Nous l’Europe, Banquet des peuples, Laurent GaudĂ© (par Patrick Devaux) Ecrit par Patrick Devaux, le Vendredi, 07 Juin 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, PoĂ©sie, Actes Sud. Nous, l’Europe, Banquet des peuples, mai 2019, 192 pages, 17,80 € . Ecrivain(s): Laurent GaudĂ© Edition: Actes Sud. Faire un tour d’Europe comme pour appuyer son

En ouverture du colloque "Inventer l’Europe" que nous vous proposons cette semaine, Thomas Römer, administrateur du CollĂšge de France a notĂ© que "Les appels Ă  refonder l’Europe se multiplient". Si les organisateurs du colloque prennent acte de cet appel Ă  "rĂ©inventer l’Europe", ils nous invitent aussi Ă  "comprendre quand, oĂč, comment et par qui l’Europe a Ă©tĂ© inventĂ©e et ainsi mesurer le champ des Europes Ă  rĂ©inventer?".La premiĂšre matinĂ©e des contributions s’est donc attachĂ©e au thĂšme des "inventions de l’Europe". Comment penser une certaine polyphonie europĂ©enne?C’est dans ce cadre qu’en deuxiĂšme partie d’émission, vous pourrez Ă©couter la contribution de TimothĂ©e Picard, professeur de LittĂ©rature gĂ©nĂ©rale et comparĂ©e Ă  l’UniversitĂ© Rennes 2 sur "La construction d'un imaginaire musical europĂ©en, entre valorisation et critique". "Mon intervention, indique-t-il, voudrait tirer profit d’un double ancrage institutionnel. En tant que dramaturge et conseiller du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, je me situe Ă  un endroit intĂ©ressant pour observer le rapport Ă©volutif qu’une institution musicale reprĂ©sentative, nĂ©e de la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale, peut avoir avec l’Europe comme idĂ©e, valeur et institution. En tant qu’universitaire spĂ©cialiste des conceptions et reprĂ©sentations de la musique, je peux tenter de mettre en perspective ces observations en retraçant la maniĂšre dont, depuis l’entre-deux-guerres, l’imaginaire musical europĂ©en a Ă©tĂ© construit, promu et parfois critiquĂ©, parallĂšlement au dĂ©veloppement de l’Europe comme institution". TimothĂ©e Picard analyse en particulier de quelle façon l'Europe peut "hanter la musicographie de l'Entre-deux-guerres". L'Ă©crivain Romain Rolland, Ă©galement auteur de la premiĂšre thĂšse de musicologie en France, met en avant l'image du "concert europĂ©en", cherchant "Ă  penser une sorte de polyphonie europĂ©enne", rappelle-t-il. La figure et les Ɠuvres de Beethoven, son "mythe", explique encore le chercheur, sont tirĂ©s, tantĂŽt du cĂŽtĂ© de l'harmonie pour l'Europe, de la joie et d'un "idĂ©al d'entente concertante entre les nations" et, tantĂŽt du cĂŽtĂ© de "la souffrance", de "la critique de l'esprit europĂ©en", voire de la rĂ©cupĂ©ration nationaliste, sinon nazie, aux cĂŽtĂ©s de l’Ɠuvre de Wagner. C'est donc l’ambivalence de cet imaginaire musical europĂ©en qui est Ă©galement passĂ© au spectre de l'analyse. Dans les annĂ©es 1920-1930, le succĂšs du jazz, entre fascination et rejet, est une alternative importante, note TimothĂ©e Picard. "Le jazz, c'est le moment oĂč la musique savante europĂ©enne commence Ă  devenir classique et Ă  se penser en termes de canons et de rĂ©pertoires. En rĂ©alitĂ©, ça a commencĂ© dĂ©jĂ  un siĂšcle auparavant, notamment en se cristallisant autour de la figure de Bach, comme pĂšre de toute musique. Mais c'est quelque chose qui s'accĂ©lĂšre. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, la musique savante europĂ©enne commence Ă  se penser comme telle, mais aussi Ă  se penser comme en crise, fatiguĂ©e ou menacĂ©e, dans un contexte marquĂ© par la hantise de la dĂ©cadence et de la dĂ©gĂ©nĂ©rescence." "J'ai mal Ă  l'Europe"TimothĂ©e Picard fait dialoguer littĂ©rature et musiques europĂ©ennes. Paul Claudel use aussi de la mĂ©taphore musicale dans son Ɠuvre pour parler de l'Europe. Le chercheur-dramaturge revient notamment sur un texte intitulĂ© "L'Esprit europĂ©en". En 1936, Paul Claudel avance si l'on demandait Ă  l'un de ses voisins d'omnibus, "Qu'avez vous, mon ami ou souffrez-vous?" Il vous rĂ©pondra s'il Ă©tait sincĂšre "J'ai mal Ă  l'Europe". En Europe, poursuit Claudel, il y a des diffĂ©rences qui sont des harmonies. Et par dessus tout cela, il y a un Ă©tat gĂ©nĂ©ral d'alerte et de mobilisation des cƓurs et des esprits oĂč chacun sent qu'il a la fois peur et besoin de tout le monde." Cette souffrance, cette vigilance, citĂ©es par TimothĂ©e Picard font Ă©cho Ă  celles analysĂ©es par Patrick Boucheron, que nous retrouvons en premiĂšre partie de notre diffusion, sur les inventions politiques de l'Europe. Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies cookies permettent Ă  nos partenaires de vous proposer des publicitĂ©s et des contenus personnalisĂ©s en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intĂ©rĂȘt. Titulaire de la chaire Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIᔉ-XVIᔉ siĂšcle, Patrick Boucheron ouvre sa contribution par la question centrale et frontale de la dĂ©fiance envers l'Europe, celle lointaine des technocrates, celle du "non" lors du rĂ©fĂ©rendum de Maastricht, ce "non" transformĂ© en "oui", pour ne "pas casser", "ce qu'on a mis longtemps Ă  construire". Il cite le beau texte "Nous, l’Europe, banquet des peuples", de Laurent GaudĂ©, texte poĂ©tique, mis en scĂšne et en musique par Roland Auzet, au Festival d'Avignon, en 2019. "Il me semble, dit l'historien, qu'il faudrait effectivement partir de cette dĂ©fiance, de ce malaise, de cette insuffisance. Qu'a-t-il manquĂ© Ă  l'Europe pour qu'elle suscite si peu d'adhĂ©sion dĂ©mocratique?" Une trĂšs grande variĂ©tĂ© d'expĂ©riences politiquesDans une interview donnĂ©e au JDD en 2019, Patrick Boucheron a indiquĂ© que pour lui "L’Histoire n'est pas une Ă©cole de la fatalitĂ©, mais une philosophie pratique de la capacitĂ© d'agir des hommes et des femmes en sociĂ©tĂ©. Elle nous montre de quoi nous sommes capables, c'est-Ă -dire de beaucoup plus que ce que l'on croit. Pour ma part, Ă  travers l'histoire des pouvoirs en Europe occidentale, je ne tente pas seulement d’éclairer le pouvoir de ceux qui nous gouvernent, mais aussi ce que nous pouvons face Ă  eux." Patrick Boucheron analyse aujourd'hui pourquoi nous avons "tout intĂ©rĂȘt Ă  pluraliser sur la longue durĂ©e notre conception des inventions du politique en Europe et d’en dresser l’inventaire complet". "Dans tous les cas, indique-t-il, il s'agira de rejeter le prĂ©jugĂ© 'continuiste' et de compliquer ainsi la gĂ©nĂ©alogie des inventions politiques de l'Europe." "Le XVe siĂšcle, rappelle Patrick Boucheron, se caractĂ©rise d'abord par une trĂšs grande variĂ©tĂ© d'expĂ©riences politiques qui ne laissent jamais rĂ©duire par l'histoire de la souverainetĂ© ou de la construction des États-nations qui, Ă  partir de la dissĂ©mination des pouvoirs symboliques, suite Ă  la rĂ©volution grĂ©gorienne, et bien se caractĂ©rise par cette gamme d'expĂ©riences politiques, qui va de la thĂ©ocratie la plus intraitable jusqu'Ă  l'autonomie communale, en passant par toutes les nuances des rĂ©publiques monarchiques, des États princiers, des dominations oligarchiques et cette gamme qui sature la classe des expĂ©riences possibles du gouvernement, elle ne se laisse pas rĂ©duire par le sage ordonnancement aristotĂ©licien des rĂ©gimes politiques, y compris lorsque cet ordre passe au crible de la pensĂ©e AristotĂ©lico-thomiste la plus radicale, celle des thĂ©oriciens de la commune italienne." Au-delĂ  "des Ă©tapes d'une histoire institutionnelle et constitutionnelle, la genĂšse d'une construction Ă©tatique", Patrick Boucheron s'attache Ă  mettre en Ă©vidence une Europe, lieu d'inventivitĂ©s politiques qui prend en compte toute la richesse des expĂ©riences "les lieux d'Ă©mergence hĂ©tĂ©rogĂšnes, discontinus, qui forment autant d'expĂ©riences et qu'on va aller chercher dans leurs lieux d'Ă©mergence les villes, les communautĂ©s rurales, les groupes monastiques, les parentĂ©s aristocratiques et aussi les foules rĂ©voltĂ©es." Nous gagnons le CollĂšge de France le 21 octobre 2022 aujourd’hui les inventions politiques de l’Europe et la construction d’un imaginaire musical europĂ©en." Pour prolongerNous, L'Europe, Banquet des peuples a Ă©tĂ© créé au Festival d'Avignon, repris Ă  l'OpĂ©ra de Limoges en dĂ©cembre 2021, au Théùtre GĂ©rard Philipe Centre Dramatique National de Saint-Denis, en janvier 2022... Par ailleurs il sera possible d'assister Ă  une reprĂ©sentation de "Nous, L'Europe, Banquet des peuples" de Laurent GaudĂ©, mis en scĂšne par Roland Auzet au Théùtre de l'Atelier Ă  Paris, du 7 au 29 mai 2022.

JĂ©mets donc des rĂ©serves sur ce texte et surtout sur les derniers chapitres de « Nous, l’Europe : Banquet des peuples », je souligne la qualitĂ© littĂ©raire de ce rĂ©cit qui n’est pas sans rappeler, un autre auteur fascinant, aimant parler d’histoire : Eric Vuillard. Lire Laurent GaudĂ©, quoiqu’il en soit, est toujours d’une infinie richesse intellectuelle. Son livre est
EDITO Janvier 2022 suite Galin Stoev, par sa mise en scĂšne inspirĂ©e de La Double inconstance, montrait encore une fois l’actualitĂ© du texte de Marivaux. Le sentiment amoureux devenait un sujet d’expĂ©rimentation humaine entre les mains de puissants pervers. La scĂ©nographie Ă©tonnante, conçue par Alban Ho Van, dressait les contours d’un monde perverti oĂč le sujet, animĂ© par un amour vrai, devenait le cobaye d’une expĂ©rience cynique. DĂ©programmĂ© Ă  deux reprises en raison du Covid, le spectacle reprend sa route avec une distribution renouvelĂ©e. Interview de Galin Stoev Ă  retrouver ici. L’annĂ©e 2022 commence par un petit coup de pouce Ă  une jeune compagnie You’ll Never Walk Alone. Son spectacle France, prĂ©sentĂ© dans le cadre de la 5Ăšme Ă©dition du Festival Traits d’Union, dĂ©diĂ© Ă  la jeune crĂ©ation, fait revivre l’aventure Ă©pique de la coupe du monde de football de 1998. Natacha Steck, la metteuse en scĂšne, revendique, Ă  travers la trace laissĂ©e par cet Ă©vĂ©nement fĂ©dĂ©rateur et joyeux, une dĂ©marche collective au service de l’espoir et de la lumiĂšre. Pour elle, il est important de ne pas laisser le mot France » au Front National. Interview de Natacha Steck Ă  retrouver ici. Interview de Hugo Seksig Garcia un des acteurs de l’équipe Ă  retrouver ici. Enfin, la crĂ©ation La RĂ©ponse des hommes de Tiphaine Raffier est bien une des rĂ©ussites de la rentrĂ©e. Comme un miroir tendu vers notre humanitĂ©, le spectacle questionne notre propension Ă  la bontĂ©, au sacrifice, et notre capacitĂ© aux petits arrangements avec la morale. Interview de Tiphaine Raffier Ă  retrouver ici. Revenir au dĂ©but le l’article
Letitre du spectacle, A ceux qui nous ont offensĂ©s, qui reprend la priĂšre volontairement tronquĂ©e de la Bible, semble indiquer qu’aucun pardon n’est plus possible. La priĂšre chrĂ©tienne parle de rĂ©ciprocitĂ© marquĂ©e par un « comme » important. « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi Ă  ceux qui nous ont offensĂ©s
PubliĂ© le 27 avr. 2019 Ă  1300Mis Ă  jour le 29 avr. 2019 Ă  1814En ce mois d'Ă©lections europĂ©ennes, Nous, l'Europe » tombe Ă  point nommĂ©. A l'heure oĂč les dĂ©bats politiques s'enlisent dans des luttes politiciennes picrocholines, Ă  une Ă©poque oĂč l'Union n'est plus un idĂ©al Ă  chĂ©rir, mais, dans tous les discours, un bouc Ă©missaire Ă  rĂ©former, restructurer, voire annihiler, le geste littĂ©raire de Laurent GaudĂ© en revient aux fondamentaux, Ă  cette Ă©popĂ©e, sanglante, et Ă  cette utopie, rayonnante, dont l'Europe est la fille aĂźnĂ©e, et que les citoyens semblent avoir proche, dans sa forme, de De sang et de lumiĂšre » que de Salina » ou Ecoutez nos dĂ©faites », Nous, l'Europe » - sous-titrĂ© Banquet des peuples » - est un long poĂšme, un souffle littĂ©raire sur les braises de l'Histoire. Partis de la rĂ©volution sicilienne de 1848, une annĂ©e charniĂšre qui en connaĂźtra d'autres, les vers libres de Laurent GaudĂ© - que Roland Auzet portera Ă  la scĂšne lors du prochain Festival d'Avignon - Ă©grĂšnent, au long de quinze chapitres, ces Ă©vĂ©nements qui ont façonnĂ© l'Europe et ses peuples, de l'avĂšnement du chemin de fer au retour des survivants de la Shoah, en passant par la colonisation forcenĂ©e, les deux conflits mondiaux et les Ă©lans rĂ©volutionnaires qui ont, çà et lĂ , trahi les envies de libertĂ© des hommes et causĂ© la perte de leurs dirigeants, sombres ou communeJamais eurobĂ©at, tant s'en faut, l'Ă©crivain n'enjolive rien, mais prend une hauteur salutaire et met en perspective. Il porte la plume dans la plaie pour dĂ©crire les coups de gĂ©nie et les errements mortifĂšres, les tentatives de rĂ©conciliation et les pulsions de domination, et rĂ©vĂ©ler cet hĂ©ritage collectif, cette fondation commune, dont l'oubli menace aujourd'hui l'Ă©difice tout entier. Ce que nous partageons/C'est d'avoir traversĂ© le feu,/D'avoir Ă©tĂ©, chacun,/Bourreau et victime,/Jeunesse bĂąillonnĂ©e et mains couvertes de sang. »Avec sa plume ardente, souvent sans concessions, il n'adopte pas la posture de l'historien, mais celle du poĂšte qui, comme Mark Twain et Arthur Conan Doyle en leur temps, n'hĂ©site pas Ă  dĂ©noncer les bourreaux, de LĂ©opold II Ă  Lothar von Trotha, de Milosevic Ă  PĂ©tain, de Mussolini Ă  Hitler, sur les noms de qui il invite Ă  cracher ». Loin de livrer un simple exposĂ© factuel, dĂ©monstratif, il prĂ©fĂšre rĂ©injecter de la sĂšve, humaine, montrer que le rĂ©cit europĂ©en est une histoire de muscles, de verve, de ferveur, de colĂšre et de joies », comme il l'Ă©crit en prĂ©ambule, loin, trĂšs loin, de l'ennui dĂ©sabusĂ© » qu'elle suscite aujourd'hui. Il fallait bien cela pour tenter de rĂ©animer ce cadavre europĂ©en, dĂ©sormais Ă  la l'Europede Laurent GaudĂ©Actes Sud192 pages, 17,80 euros, sortie le 2 mai VincentBouquet
Banquetdes peuples. Laurent GaudĂ©. Actes Sud. BrochĂ©. Paru le : 01/05/2019. Lire le rĂ©sumĂ©. Ce titre dans d'autres formats et Ă©ditions : E-book. 18,80 €.
"Nous, l'Europe, banquet des peuples", une mise en scĂšne de Roland AuzĂ©. S. Stam, sdp Article AbonnĂ© Le ton monte. L'Italien est en dĂ©saccord avec la Grecque, qui conteste le point de vue du Français, qui rejette fermement l'opinion du Portugais, qui est en contradiction totale avec la Hollandaise, qui pourrait Ă©ventuellement tomber d'accord avec l'Irlandaise, Ă  condition que l'Italien fasse un petit effort... Ce qui est plutĂŽt un bon dĂ©but, vu la nature des sujets Ă©voquĂ©s. Depuis plus d'une heure, ces onze individus, disposĂ©s en arc de cercle devant un immense Ă©cran, dĂ©battent fiĂ©vreusement de l'immigration, de la justice sociale et des racines judĂ©o-chrĂ©tiennes du Vieux Continent. Cette sĂ©quence pourrait se dĂ©rouler au Parlement europĂ©en, Ă  Bruxelles. Elle a lieu sur les planches du théùtre de l'Archipel, Ă  Perpignan. Roland Auzet et sa troupe rĂ©pĂštent Nous, l'Europe, banquet des peuples, l'adaptation d'un poĂšme signĂ© Laurent GaudĂ© et grand succĂšs de librairie. Et l'une des piĂšces les plus attendues au prochain festival d'Avignon. Notamment parce que, chaque soir, un dirigeant politique de stature internationale sera interpellĂ©, sur scĂšne, par les acteurs au sujet de l'Ă©tat de l'Union et de son avenir. François Hollande, Pascal Lamy et l'ancien prĂ©sident du Conseil des ministres italien Enrico Letta ont, entre autres, rĂ©pondu prĂ©sent. Les questions ne leur ont pas Ă©tĂ© transmises Ă  l'avance. L'artiste promet une dispute animĂ©e. Tant mieux. Les rĂ©pĂ©titions de Nous, l'Europe, banquet des peuples Ă  annĂ©e, Roland Auzet n'est pas le seul Ă  mettre l'Europe en piĂšces dans la CitĂ© des papes. Dans Architecture, Pascal Rambert imagine le voyage d'une famille au coeur de ses capitales, peu de temps avant la Seconde Guerre mondiale. Avec DĂ©votion, ClĂ©ment Bondu dĂ©crit l'arrivĂ©e au pouvoir d'un parti fasciste continental. Les ressemblances avec l'actualitĂ© y sont troublantes. Mais, mĂȘme s'ils en font la critique, les artistes prennent majoritairement position pour l'Union europĂ©enne. "La tendance est porteuse d'espoir, commente le directeur du festival, Olivier Py. L'Europe de la culture prend le relais de l'Europe politique, qui n'a pas su rĂ©pondre aux problĂšmes posĂ©s par le Brexit, le sort des migrants et la montĂ©e de l'extrĂȘme droite. Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1€ sans engagement LIRE AUSSI >> Avignon 2019, une odyssĂ©e théùtrale Le monde des arts a une longueur d'avance sur celui de Bruxelles cette utopie est nĂ©e avec HomĂšre, au VIIIe siĂšcle avant JĂ©sus-Christ." Soit. Mais comment incarner un projet aussi abstrait ? Le challenge, politique et dramaturgique, est aussi dĂ©licat que passionnant. "Les populistes savent théùtraliser leur message, note Roland Auzet. Ils donnent la perspective d'un destin commun et parviennent, grĂące Ă  leur discours, Ă  faire vibrer leurs Ă©lecteurs. Mais les progressistes sont incapables de le faire. A nous de les aider ; la mise en scĂšne est notre mĂ©tier." Dont acte. Il est maintenant 15 heures. Un soleil de plomb est figĂ© au-dessus de Perpignan. Dans le théùtre imaginĂ© par Jean Nouvel, Roland Auzet et sa troupe sont toujours au travail. Le festival d'Avignon dĂ©bute dans moins de deux semaines. Et il reste du pain sur la planche. La dĂ©gaine dĂ©contractĂ©e, un comĂ©dien en short s'avance sur le devant de la scĂšne. "En 2005, vous avez votĂ© majoritairement contre le rĂ©fĂ©rendum sur la constitution, lance-t-il. Et pourtant, quatre ans plus tard, cette mĂȘme constitution Ă©tait approuvĂ©e, comme par miracle, sans mĂȘme que l'on vous demande votre avis. Vous trouvez ça normal ?" Dans sa voix, la colĂšre est palpable. Dix autres comĂ©diens le rejoignent. Et ils se figent. L'intensitĂ© de leur regard est dĂ©rangeante. Laurent GaudĂ© est lĂ , lui aussi, assis dans les gradins. Il est venu dĂ©couvrir l'adaptation de son poĂšme "en simple observateur" - ce qui ne l'empĂȘche pas de donner son avis. "On peut lĂ©gitimement penser que l'Union europĂ©enne a Ă©tĂ© confisquĂ©e par des technocrates, explique-t-il. Mais je reste convaincu que son projet est nĂ©cessaire. Mon texte a pour objectif de crĂ©er un sentiment d'appartenance Ă  l'identitĂ© europĂ©enne. Nous nous retrouvons majoritairement sur l'abolition de la peine de mort, le droit au mariage homosexuel, Ă  l'avortement, Ă  l'Ă©galitĂ© homme-femme... Et c'est par l'histoire du continent que j'ai choisi de revendiquer ces valeurs." Pour Roland AuzĂ©, l'Europe impose un nĂ©cessairement un traitement les projecteurs, les idĂ©es de mises en scĂšne fusent. La rĂ©volution industrielle est racontĂ©e au son d'une musique Ă©lectro entĂȘtante. La Shoah, elle, est Ă©voquĂ©e dĂ©licatement, sans bruit, avec des matelas qui chutent sur les planches. Quant aux dĂ©bats, improvisĂ©s entre les comĂ©diens, puis avec les politiques, ils s'annoncent passionnants. "Le sujet, a priori austĂšre, est en fait d'une richesse inouĂŻe, note Roland Auzet. L'Europe est Ă  la rencontre de l'histoire, des idĂ©es et de l'engagement. Sur le plan théùtral, elle impose nĂ©cessairement un traitement moderne. Il invite Ă  jouer avec les symboles et Ă  filer des mĂ©taphores". Une question d'imagination. Plus au nord, Ă  Paris, Pascal Rambert est attablĂ© dans un cafĂ©, en face du théùtre des Bouffes-du-Nord, oĂč il peaufine Architecture, la piĂšce qui fera l'ouverture du festival dans la prestigieuse cour d'honneur du palais des Papes. Du bistrot, il regarde, amusĂ©, les comĂ©diens arriver en avance aux rĂ©pĂ©titions de l'autre cĂŽtĂ© de la rue Jacques Weber, Denis PodalydĂšs, Stanislas Nordey, Emmanuelle BĂ©art... "Regardez comme ils sont sĂ©rieux, commente-t-il. Ils rĂ©citent leur texte, on le voit sur leur bouche." Les rĂ©pĂ©titions du spectacle ne sont pas ouvertes Ă  la presse mais il y est question d'un pĂšre qui tyrannise sa famille gangrenĂ©e par les nĂ©vroses. Pascal Rambert est connu comme le metteur en scĂšne du conflit au sein du couple et de la famille, mais l'histoire avec un grand H sert pour la premiĂšre fois de toile de fond Ă  son théùtre. La cour d'honneur du palais des Papes, oĂč se jouera Architecture de Pascal Raynaud de rĂ©cit dĂ©bute en 1918, sur les dĂ©combres de la PremiĂšre Guerre mondiale, et se termine en 1938, avec l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie. Au fil d'un long voyage qui mĂšne ses personnages de Vienne jusqu'Ă  Belgrade, le dramaturge dĂ©peint un territoire tentĂ© par le nationalisme. "Le choix qui se posait alors est toujours d'actualitĂ© c'est l'Europe ou la guerre, estime le metteur en scĂšne. A l'Ă©chelle internationale, il devient Ă©vident que le populisme mĂšne nĂ©cessairement Ă  l'affrontement entre les peuples. Cette piĂšce fait figure d'avertissement." Dans un dĂ©cor des annĂ©es 1920, ses personnages se disputent avec une violence qui prĂ©figure celle qui engloutira le continent quelques annĂ©es plus tard. A la fin du spectacle, les meubles de style Bauhaus ont fait place Ă  des MacBook flambant neufs. Sans crier gare, le prĂ©sent fait irruption sur les planches. Le message a le mĂ©rite d'ĂȘtre clair l'histoire est vouĂ©e Ă  se rĂ©pĂ©ter. Pascal Rambert est sur le point de signer sa piĂšce la plus sombre. Les rĂ©pĂ©titions de DĂ©votion, de ClĂ©ment MazurasIl est maintenant 18 heures. A la lisiĂšre du XIVe arrondissement parisien, les murs du Théùtre de la CitĂ© internationale sont en train de vibrer au son d'une musique endiablĂ©e. ClĂ©ment Bondu, 30 ans, rĂ©pĂšte DĂ©votion. Sur les planches, le dĂ©cor est celui d'une boĂźte de nuit clinquante, tapissĂ©e de drapeaux italiens, autrichiens et hongrois. Le champagne coule Ă  flots. Des comĂ©diennes dansent lascivement sur des tables. C'est ici que le parti des "gentlemen fascistes" cĂ©lĂšbre sa victoire Ă©lectorale. "Je mets en scĂšne l'alliance entre le monde de la finance et l'extrĂȘme droite, explique ClĂ©ment Bondu aprĂšs la rĂ©pĂ©tition. Dans les pays de l'Est, cette union est dĂ©jĂ  une rĂ©alitĂ©. Le reste du continent reste impassible. C'est Ă  la fois stupide et scandaleux." Le jeune artiste est intarissable. De toute Ă©vidence, l'Europe, qu'il critique vigoureusement, est une source d'inspiration inĂ©puisable. Dans un cĂ©lĂšbre discours prononcĂ© en 1965, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle dĂ©clarait "On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant "l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !" Mais cela n'aboutit Ă  rien et cela ne signifie rien". Comme quoi, tout est question de mise en scĂšne. Igor Hansen-Love Les plus lus OpinionsLa chronique de Vincent PonsVincent Pons, avec Boris VallĂ©eLa chronique de Marion Van RenterghemPar Marion Van RenterghemLa chronique de Sylvain FortPar Sylvain FortLa chronique du Pr Gilles PialouxPar le Pr Gilles Pialoux
CRITIQUENOUS, L'EUROPE, BANQUET DES PEUPLES AdaptĂ© du roman de Laurent GaudĂ©, Nous, "Europe, banquet des peuples, mis en scĂšne par Roland Auzet, revient sur les grands Ă©vĂ©nements historiques qui ont prĂ©sidĂ© Ă  l'Ă©laboration de "Europe. Au lyrisme du texte rĂ©pond l'Ă©nergie du plateau. UNE EXHORTATION À LA MÉMOIRE ETÀ L'ESPOIR Comprendre d'oĂč l'on Vient pour
€ € AdresseTHEATRE DE L'ATELIER 1 Place Charles Dullin PARIS 18 75018 ArtistesRoland Auzet, Karina Beuthe, Agathe BioulĂšs , Robert Bouvier, Nina Dipla , Rodrigo Ferreira, Laurent GaudĂ©, Yasin Houicha, Dagmara Mrowiec-Matuszak, , Stanislas Roquette, ArtĂ©mis Stavridi, Thibault Vinçon Dates07/05/2022 2000 11/05/2022 2000 12/05/2022 2000 13/05/2022 2000 14/05/2022 2000 15/05/2022 1500 18/05/2022 2000 19/05/2022 2000 20/05/2022 2000 21/05/2022 2000 22/05/2022 1500 25/05/2022 2000 26/05/2022 2000 27/05/2022 2000 28/05/2022 2000 29/05/2022 1500 ParisThéùtre Du 07/05/2022 Ă  2000 au 29/05/2022 Ă  1500NOUS L'EUROPE, BANQUET DES PEUPLES de Laurent GaudĂ© Conception, musique et mise en scĂšne Roland Auzet Avec Karina Beuthe Orr, Robert Bouvier, Nina Dipla / Artemis Stavridi, Rodrigo Ferreira, Yasin Houicha, Rose Martine, Dagmara Mrowiec-Matuszak, Stanislas Roquette, Thibault Vinçon, la NĂ©buleuse d'HIMA Faustine Berardo, Bro'Lee, Maxime Pillard & un ch ur prĂ©paration et cheffe de ch ur Agathe BioulĂšs CrĂ©ation Festival d'Avignon IN 2019, production dĂ©lĂ©guĂ©e l'Archipel, scĂšne nationale de Perpignan L'Europe c'est une gĂ©ographie qui veut devenir philosophie. Un passĂ© qui veut devenir boussole ». Laurent GaudĂ© Nous, l'Europe, Banquet des Peuples est une piĂšce de théùtre musicale nĂ©e d'une collaboration entre l'Ă©criture de Laurent GaudĂ© Prix Goncourt 2004 et la mise en scĂšne de Roland Auzet. Créée Ă  l'occasion du Festival d'Avignon en 2019, elle est aujourd'hui sous le patronage de la Commission EuropĂ©enne et labellisĂ©e PFUE2022. Vaste fresque historique et politique, ce banquet festif rĂ©unit douze acteurs, chanteurs et performeurs venus de toute l'Europe. De Grands TĂ©moins seront invitĂ©s afin de partager leur vision de l'Europe. ScĂ©nographie Roland Auzet, Bernard Revel et Juliette Seigneur CrĂ©ation et rĂ©gie lumiĂšre Bernard Revel CrĂ©ation vidĂ©o Pierre Laniel Musiques Ă©lectroniques Daniele Guaschino Chansons composĂ©es et interprĂ©tĂ©es par La NĂ©buleuse d'HIMA Collaboration artistique Carmen Jolin Costumes Mireille Dessingy Assistant Ă  la mise en scĂšne et surtitreur Victor Pavel RĂ©gie gĂ©nĂ©rale SĂ©verine Combes RĂ©gie son Julien Pittet RĂ©gie vidĂ©o Justin Artigues Critiques Presse Laurent GaudĂ© rallume la flamme de l'Europe ! » Le Temps Une mise en scĂšne ample, gĂ©nĂ©reuse, sophistiquĂ©e sans ĂȘtre prĂ©tentieuse [ ] et on a rarement vu, ou plutĂŽt entendu, une polyphonie aussi maitrisĂ©e, entre la parole, forte, portĂ©e par les comĂ©diens, dans toutes les langues europĂ©ennes, la musique, du chant de choral cĂ©leste au rock mĂ©tal ou Ă  la brutale pop, et le son sous toutes ses formes. » Le Monde L'Ă©crivain Laurent GaudĂ© et le metteur en scĂšne Roland Auzet unissent leur force pour redonner le goĂ»t de l'Europe dans un spectacle musical revigorant. C'est l'une des rĂ©ussites les plus enthousiasmantes de ce dĂ©but de Festival d'Avignon. » La Croix Un spectacle puissant et festif, un poĂšme chantant aussi bien les convulsions que les trouĂ©es de lumiĂšres du rĂ©cit de l'Europe. » La DĂ©pĂȘche du Midi Créée au Festival d'Avignon l'Ă©tĂ© dernier, Nous, l'Europe, Banquet des peuples avait fait sensation. À raison. La mise en scĂšne de Roland Auzet du texte de Laurent GaudĂ© est spectaculaire. » La Nouvelle RĂ©publique RĂ©servezvos billets pour Nous, l'Europe, banquet des peuples ‱ Spectacle musical ‱ Du 7 mai 2022 au 29 mai 2022 ‱ L’Europe, malmenĂ©e, soumise aux critiques, rongĂ©e par les nationalismes, semble ne plus faire rĂȘver. Un long poĂšme, parlĂ© et chantĂ©, retrace cette histoire, faite de blessures et d’espoirs. RĂ©sumĂ©s Dans la saga ouvriĂšre et socialiste, puis plus tard communiste, la Commune de Paris tient, Ă  juste titre, une place de choix. Or, son histoire hĂ©roĂŻque et tragique se trouve quasiment Ă  mi-chemin entre deux moments importants du mouvement d’expansion coloniale, la conquĂȘte de l’AlgĂ©rie 1830 et l’achĂšvement de cette expansion Maroc, 1912. Les Communards n’eurent Ă©videmment ni le temps ni sans doute la capacitĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă  la question coloniale. Ils y ont pourtant Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă  diverses occasions d’abord par la prĂ©sence, certes minoritaire, de colonisĂ©s sur le pavĂ© parisien en 1871 ; puis, plus tard, lorsque ces damnĂ©s de la terre » en exil croisĂšrent le destin d’autres victimes, les Kanak orthographe d’époque Canaques. Il y eut d’ailleurs, durant cet exil, un Ă©pisode tragique la rĂ©volte des colonisĂ©s de 1878. Bien des Communards ne comprirent aucunement les raisons – et encore moins les formes – de cette rĂ©volte. Certains, hĂ©las, participĂšrent mĂȘme Ă  la rĂ©pression. La grande figure internationaliste de Louise Michel, qui partagea un temps la vie des Kanak et soutint leur lutte, n’en est que plus remarquable. The Paris Commune holds a special place in the history of the labor and socialist movement, and later in the communist movement. Its heroic and tragic fate falls almost halfway between two major steps in the French colonial expansion, namely the conquest of Algeria 1830 and the completion of said expansion Morocco 1912. Obviously, the Communards had neither the time nor the opportunity to address the colonial question. They were, however, confronted with it on various occasions first by the small but notable presence of colonized people on the Parisian streets in 1871; then, later, when the exiled wretched of the earth » crossed paths with other victims of the French state, the Kanak spelled Canaques at the time. The 1878 uprising of the colonized happened during their exile. Many of the Communards did not understand the reasons – and certainly not the forms – of the uprising. Some, unfortunately, even took part in the crackdown against it. The great internationalist figure of Louise Michel, who lived among the Kanaks for a time and supported their struggle, is all the more remarkableHaut de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral 1Le mouvement communard a croisĂ© l’histoire de la France coloniale en trois occasions, assez diffĂ©rentes. La premiĂšre, dans le cours mĂȘme des Ă©vĂ©nements, fut la prĂ©sence de rares colonisĂ©s dans Paris intra muros Ă  ce moment, soit insurgĂ©s eux-mĂȘmes, soit simples passants devenus de fait prisonniers des Ă©vĂ©nements. Le second lien, plus sĂ©mantique que politique et historique, a Ă©tĂ© la proclamation d’une Commune d’Alger, constituĂ©e par les Français rĂ©publicains de cette ville. Enfin, en Kanaky, que les Français avaient rebaptisĂ©e Nouvelle-CalĂ©donie, les dĂ©portĂ©s communards connurent une cohabitation avec les populations locales qui n’eut rien d’idyllique. Des colonisĂ©s communards 1 Henri Alleg, Le torrent souterrain », dans Henri Alleg dir., La Guerre d’AlgĂ©rie, vol. I, Paris ... 2La Commune fut un mouvement internationaliste, regroupant dans ses rangs – et Ă©lisant – des Polonais Dombrowicz, des Italiens Amilcar Cipriani, Menotti Garibaldi, fils du grand rĂ©volutionnaire, des Hongrois LĂ©o Frankel, dont certains sont passĂ©s Ă  la postĂ©ritĂ©. Elle compta Ă©galement, c’est moins connu, 5 AlgĂ©riens et 20 Africains, dont l’histoire n’a pas retenu les noms, Ă  une exception prĂšs1. 2 Marcel Cerf, Maxime Lisbonne, le D’Artagnan de la Commune, Paris, Le Pavillon, 1967. Voir Ă©galement ... 3Sauf erreur ou omission, un colonisĂ© au moins a Ă©chappĂ© Ă  un total anonymat. Il s’appelait Mohammed Ben Ali, un tirailleur algĂ©rien devenu l’ordonnance de Maxime Lisbonne, souvent appelĂ© le D’Artagnan de la Commune2 ». Jules VallĂšs, dans son rĂ©cit L’InsurgĂ©, Ă©voque sa triste fin 3 Jacques Vingtras. L’InsurgĂ©. 1871, Paris, G. Charpentier & Cie, 1886. Nous nous Ă©tendons chacun sur une vareuse, avec une giberne pour oreiller, pas bien loin d’un lit oĂč est allongĂ©, hideux dans son costume bleu de ciel, un turco, l’ordonnance de Lisbonne, qui hier a Ă©tĂ© mis en capilotade par un obus, et dont le crĂąne dĂ©foncĂ© a l’air d’avoir Ă©tĂ© rongĂ© par les rats. »3 4 Maxime Vuillaume, La proclamation de la Commune » brochure non signĂ©e, dans Hommes et Choses du ... 5 Auguste Raffet, Paris sous la Commune, 1885, Reprint Paris, Éditions Dittmar, 2002. 6 Le troisiĂšme bataillon est celui des Turcos, dont le commandant Wolff sera tuĂ© au combat, sans qu ... 4Dans divers tĂ©moignages, il est plusieurs fois question d’un bataillon de Turcos ». Ces tirailleurs algĂ©riens Ă©taient connus et mĂȘme fort apprĂ©ciĂ©s des Parisiens depuis la guerre de CrimĂ©e 1853-1856 et l’implantation en France qui s’ensuivit. Au dĂ©tour d’une phrase, par exemple sous la plume de Maxime Vuillaume, on apprend qu’un certain bataillon Enfants du PĂšre Duchesne » Ă©tait en garnison Ă  cĂŽtĂ© des Turcos de la Commune ». Plus tard, place de l’HĂŽtel-de-Ville, le mĂȘme a vu dans la foule un Turco nĂšgre hilare4 ». Dans les dessins d’Auguste Raffet reprĂ©sentant des uniformes de la Commune, on voit des vestes de Turcos5. Tout cela est bien maigre, et il semble que les recherches des historiens spĂ©cialisĂ©s n’aient pas abouti Ă  d’autres tĂ©moignages6. 7 Le Soir, 13 fĂ©vrier 1872 ; repris dans Contes du lundi, Paris, Lemerre, 1873. 8 Jean-Pierre PĂ©cau, BenoĂźt Dellac et Thorn, L’Homme de l’annĂ©e, 1871. L’un des hĂ©ros de la Commune d ... 5Par contre, ces Turcos passĂšrent Ă  la postĂ©ritĂ© grĂące Ă  la plume d’Alphonse Daudet. On sait combien les grands Ă©crivains de l’époque furent haineux envers la Commune, et Daudet participa Ă  la curĂ©e. Il fut pourtant auteur d’une nouvelle sensible, Le Turco de la Commune, qui contait la triste aventure de Kadour, de la tribu du Djendel », engagĂ© dans l’armĂ©e impĂ©riale en 1870, qui ne comprit rien aux Ă©vĂ©nements il ne parlait pas français. Lorsque son bataillon fut en dĂ©route devant les Prussiens, il erra quelque temps, avant de se retrouver par hasard dans les rues de Paris, enrĂŽlĂ© sans rien comprendre du cĂŽtĂ© des Communards, et finit par ĂȘtre fusillĂ© par les Versaillais7. Certains auteurs affirment que Daudet s’est inspirĂ© d’un personnage rĂ©el, qui n’avait rien d’un AlgĂ©rien, un certain Abdullah, en fait un Abyssin, fils adoptif d’Antoine D’Abbadie, grand voyageur, gĂ©ographe, membre de l’Institut. Devenu adulte, Abdullah se serait effectivement engagĂ© dans les Turcos, puis ralliĂ© – mais lui, en connaissance de cause – Ă  la Commune et aurait finalement Ă©tĂ© abattu par les Versaillais8. 6On peut imaginer que, s’il restait des indigĂšnes » dans les rangs des Communards en mai, ils furent l’objet d’une haine plus farouche encore de la part des Versaillais et qu’ils furent fusillĂ©s. Une Commune d’Alger
 pour les seuls EuropĂ©ens9 9 Claude Martin, La Commune d’Alger 1870-1871, Paris, HeraklĂšs, 1936 ; Marcel Émerit, La question ... 10 CitĂ© par Charles-Robert Ageron, Les AlgĂ©riens musulmans et la France 1871-1919, vol. I, Paris, Pu ... 11 Journal des dĂ©bats, 7 septembre 1870. 7La chute du Second Empire fut saluĂ©e avec enthousiasme en AlgĂ©rie par la majoritĂ© des EuropĂ©ens, trĂšs majoritairement rĂ©publicains. Mais rĂ©publicain », dans cette terre coloniale, avait un sens diffĂ©rent de celui de la mĂ©tropole. Pour eux, la politique dite du royaume arabe » de NapolĂ©on III et de ses soutiens, les officiers, Ă©tait une folie indigĂ©nophile Depuis quelques annĂ©es, on ne parle que des droits sacrĂ©s des indigĂšnes ; ne serait-il pas opportun d’invoquer ceux non moins sacrĂ©s des colons ? », avait dĂ©clarĂ© leur porte-parole, EugĂšne Warnier 186310. DĂšs le 4 septembre 1870, une Association rĂ©publicaine prĂ©sidĂ©e par le maire, Romuald Vuillermoz, envoya un message de soutien au nouveau gouvernement de Paris. Une Commune d’Alger vit le jour. Mais elle n’avait aucune similitude avec celle de Paris, qui lui succĂ©da elle Ă©tait certes un mouvement rĂ©publicain, mais menĂ© exclusivement par des EuropĂ©ens, colons bien sĂ»r, mais aussi petits commerçants et artisans. DĂšs le 5 septembre, Gambetta, tout nouveau ministre de l’IntĂ©rieur, nomma Auguste Warnier prĂ©fet du dĂ©partement d’Alger11, promotion significative. 12 Certaines biographies le prĂ©sentent comme le comte de Calvinhac. 8Six mois plus tard, la proclamation de la Commune de Paris divisa les rangs des rĂ©publicains algĂ©rois. Une minoritĂ© socialisante envoya Ă  Paris trois dĂ©lĂ©guĂ©s, Alexandre Lambert, Lucien Rabuel et Louis Calvinhac12. Ils firent une proclamation le 28 mars 1871 13 Dans Journal des journaux de la Commune. Tableau rĂ©sumĂ© de la presse quotidienne, du 19 mars au 24 ... Les dĂ©lĂ©guĂ©s de l’AlgĂ©rie dĂ©clarent, au nom de tous leurs commettants, adhĂ©rer de la façon la plus absolue Ă  la Commune de Paris. L’AlgĂ©rie tout entiĂšre revendique les libertĂ©s communales. OpprimĂ©e pendant quarante annĂ©es par la double centralisation de l’armĂ©e et de l’administration, la colonie a compris depuis longtemps que l’affranchissement complet de la commune est le seul moyen pour elle d’arriver Ă  la libertĂ© et Ă  la prospĂ©ritĂ©. »13 14 Journal des dĂ©bats, 1er avril 1871. 9À l’opposĂ©, le Journal officiel de Versailles fit paraĂźtre une vĂ©hĂ©mente protestation contre cet appel, signĂ©e du reprĂ©sentant de Constantine, Marcel Lucet14. 15 Jean-Luc LabbĂ©, notice Lambert Alexandre », Dictionnaire biographique Maitron, Mouvement ouvrier, ... 16 Nous n’avons pas retrouvĂ© trace de son passĂ© algĂ©rien avant 1871. 17 Alphonse Bertrand, La Chambre de 1893. Biographies des 681 dĂ©putĂ©s, avec avertissement et documents ... 10Lambert, ancien proscrit de 1852, exilĂ© en AlgĂ©rie oĂč il Ă©tait devenu journaliste, devint durant la Commune dĂ©lĂ©guĂ© de l’AlgĂ©rie au sein d’un ComitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale et de l’intĂ©rieur, chef de bureau au ministĂšre de l’IntĂ©rieur presse15. Il combattit ensuite sur les barricades lors de la Semaine sanglante et y fut tuĂ©. Rabuel16 fut ensuite dĂ©portĂ© en Nouvelle-CalĂ©donie. Calvinhac fut arrĂȘtĂ© le 8 juin 1871, internĂ©, puis condamnĂ© Ă  un an de prison et 500 francs d’amende. Il ne retourna pas en AlgĂ©rie et fit une carriĂšre politique sous la IIIe RĂ©publique, toujours Ă  l’extrĂȘme gauche17. Face Ă  la rĂ©volte kabyle 11La rĂ©volte de Mohand Amokrane, dit El-Mokrani, qui Ă©clata en Kabylie en mars-avril 1871, le plus vaste mouvement insurrectionnel de l’histoire de l’AlgĂ©rie entre la reddition d’Abd-el-Kader et le dĂ©but de la guerre d’indĂ©pendance, allait-elle donner aux Communards l’occasion de rĂ©flĂ©chir au sort des colonisĂ©s ? Il n’en fut rien. 18 Affaire de l’Oued-Okris subdivision d’Aumale », dans RĂ©impression du Journal officiel de la RĂ©p ... 19 AlgĂ©rie », Journal officiel de la Commune, op. cit., 8 mai 1871 Gallica. 12Dans le Paris communard, l’accaparement par la gestion au quotidien et par la nĂ©cessaire prĂ©paration de la rĂ©sistance Ă  Versailles, ainsi que la sous-information sur la rĂ©volte kabyle, expliquent la quasi-absence de rĂ©actions. Et les rares traces que l’on trouve dans les Ă©crits communards sont bien dans le ton de l’époque dĂ©nonciation des insurgĂ©s, appelĂ©s l’ennemi » ou les rebelles »18, exaltation de nos soldats, qui font vaillamment le coup de feu19 »  20 Un rectificatif ultĂ©rieur prĂ©cisera qu’il s’agissait du journal La Paix et non La Patrie, Journal ... 13A fortiori pour les Communards algĂ©rois. Le dĂ©lĂ©guĂ© dĂ©jĂ  citĂ©, Alexandre Lambert, Ă©prouva mĂȘme le besoin de dĂ©mentir tout lien entre les deux mouvements – et mĂȘme Ă  se porter garant d’une meilleure efficacitĂ© dans la lutte contre les indigĂšnes » – dans une lettre au rĂ©dacteur en chef de la feuille versaillaise La Patrie20 FidĂšle Ă  votre rĂŽle d’alarmiste et d’ennemi dĂ©clarĂ© de la Commune, vous parlez de troubles survenus en AlgĂ©rie et vous en exagĂ©rez la gravitĂ© pour en effrayer l’opinion publique. Vous commettez une action plus mauvaise encore en insinuant que cette insurrection est l’Ɠuvre des nombreux amis que la Commune possĂšde en AlgĂ©rie. DĂ©lĂ©guĂ© Ă©lu par la ville d’Alger, je vous affirme Que tous les colons algĂ©riens veulent pour eux et pour la France la Commune, Que tous les colons algĂ©riens sont intĂ©ressĂ©s Ă  maintenir le calme et l’ordre chez les indigĂšnes, et qu’ils en viendraient facilement Ă  bout s’ils avaient la Commune et toutes les libertĂ©s qu’elle comporte, 21 Les bureaux arabes, fondĂ©s sous le Second Empire, Ă©taient entre les mains des officiers. Il se pass ... 22 Journal officiel de la Commune, op. cit., 3 mai 1871. Que toutes les insurrections algĂ©riennes sont depuis longtemps l’Ɠuvre prĂ©mĂ©ditĂ©e des bureaux arabes21. Ce fait est si vrai, que le gouvernement a rendu un dĂ©cret ordonnant de poursuivre devant les conseils de guerre les officiers dans le commandement desquels une insurrection Ă©claterait ; mais ce dĂ©cret est demeurĂ© inappliquĂ©. » CommuniquĂ©, 1er mai 187122 La dĂ©portation en Kanaky23 23 Par respect pour les demandes du mouvement national de cette Ăźle, nous avons adoptĂ© les appellation ... 24 EugĂšne Morand, Le Figaro, 6 fĂ©vrier 1872. 25 Roger PĂ©rennĂšs, DĂ©portĂ©s et forçats de la Commune, de Belleville Ă  NoumĂ©a, Nantes, Ouest Éditions/U ... 26 Alban Bensa, Nouvelle-CalĂ©donie. Un paradis dans la tourmente, Paris, Gallimard, coll. DĂ©couverte ... 14Une fois la grande rĂ©pression de la Semaine sanglante passĂ©e, la bourgeoisie versaillaise voulut poursuivre et achever l’ assainissement » de la sociĂ©tĂ© française. La dĂ©portation en Kanaky fut l’une des solutions trouvĂ©es. Les Communards condamnĂ©s, d’abord retenus au bagne de Toulon, commencĂšrent Ă  ĂȘtre dirigĂ©s vers la Grande Île ». Le premier bateau partit le 1er fĂ©vrier 187224 par une curieuse conception du droit, la loi fixant la Kanaky comme lieu de dĂ©portation ne fut adoptĂ©e que le 23 mars25. En tout, 4 250 femmes et hommes furent dĂ©portĂ©s, 400 y laissĂšrent la vie par maladie, fatigue, certains par dĂ©sespoir26. 15Comment ces dĂ©portĂ©s comprirent-ils ou ne comprirent-ils pas la situation coloniale ? Quelle fut leur attitude lors de la grande rĂ©volte kanak de 1878 ? Comment, par ailleurs, observĂšrent-ils d’autres proscrits, les Kabyles rĂ©voltĂ©s en 1871 ? 27 Jean Baronnet et Jean Chalou, Communards en Nouvelle-CalĂ©donie. Histoire de la dĂ©portation, Paris, ... 28 Alice Bullard, Exile to Paradise Savagery and Civilization in Paris and the South Pacific, 1790-1 ... 16Les tĂ©moignages que nous possĂ©dons sur leur vie quotidienne montrent que, dans leur majoritĂ©, ces damnĂ©s blancs de la terre » ne manifestĂšrent guĂšre Ă  leurs compagnons de misĂšre kanak qu’un intĂ©rĂȘt de lointaine curiositĂ©27 » dans la plupart des cas, parfois mĂȘme du dĂ©dain et du mĂ©pris28. 17En 1878, ils furent confrontĂ©s Ă  la grande insurrection des indigĂšnes ». Contrairement Ă  ce qu’on aurait pu attendre de la part de ces anciens insurgĂ©s, rares furent ceux qui comprirent ce mouvement. Évidemment, chacun a en tĂȘte l’exception prestigieuse de Louise Michel, mĂȘme si elle n’eut pas immĂ©diatement la claire comprĂ©hension de la rĂ©volte qu’elle s’attribua des annĂ©es plus tard. La rĂ©volte de 1878 l’empathie de Louise Michel et de quelques rares autres
 29 Louise Michel, MĂ©moires Ă©crits par elle-mĂȘme, Paris, F. Roy, 1886 ; Je vous Ă©cris de ma nuit. Corre ... 30 Lettre au citoyen Paysan et Ă  nos amis, non datĂ©e JoĂ«l DauphinĂ©, op. cit.. 31 LĂ©gendes et chants de gestes canaques, Paris, KĂ©va & Cie, 1885 Gallica. 18Comment ne pas commencer une Ă©tude sur ce sujet sans citer en tout premier lieu Louise Michel29 ? Son esprit ouvert, avide en permanence de connaissances nouvelles, la servit dans l’épreuve de l’exil. Encore en mer sur le navire La Virginie, elle Ă©crivit, avant mĂȘme le premier contact avec la colonie Avec les sauvages, il y aura le but doublement humanitaire d’empĂȘcher qu’on ne les refoule par le canon en les civilisant et de faire des Ă©tudes historiques vraies dans les ruines » lettre, 187330. Elle commença d’ailleurs Ă  appliquer ce principe en recueillant les lĂ©gendes, qu’elle publia dans un journal, Les Petites affiches. Revenue en France, elle rĂ©unit ces textes en volume31 mĂȘme si les spĂ©cialistes sont dubitatifs sur le caractĂšre authentique de toutes les lĂ©gendes. Louise, cependant, partagea parfois le paternalisme – et dans son cas le maternalisme – ambiant de son temps 32 Dans Je vous Ă©cris de ma nuit, op. cit. J’espĂšre, dans mes excursions pour la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, apprendre aux Kanaks Ă  nous Ă©galer, ce qui ne sera pas si difficile qu’on le croit. Cette race qui s’éteint, au lieu d’ĂȘtre broyĂ©e Ă  coups de canon et dĂ©possĂ©dĂ©e, pourrait contracter des alliances avec la nĂŽtre, ce qui produirait une nation intelligente et forte, du moins un peu plus que les nĂŽtres qui sont lĂąches et bien bĂȘtes. » lettre, 28 aoĂ»t 187532 19Prit-elle fait et cause pour eux lors de la grande rĂ©volte de 1878, comme elle l’a racontĂ© ? Deux ans aprĂšs son retour novembre 1880, elle fut attaquĂ©e assez bassement, lors d’un meeting, par un participant, un certain Bernadotte, qui l’accusa d’avoir fomentĂ© la rĂ©volte kanak pour Ă©craser les Communards ». Elle rĂ©pondit 33 Elle n’adoptera le drapeau noir qu’à son retour en France dĂ©claration lors d’un meeting, 18 mars 1 ... 34 Louise Michel mouchard » titre Ă©tonnant, car l’article lave la militante de ce soupçon, Le Gaul ... Lors de l’insurrection des Canaques, deux chefs que je connaissais vinrent me voir et m’apprirent leur rĂ©solution de se joindre aux rĂ©voltĂ©s. Je partageai entre eux le dernier morceau de mon Ă©charpe rouge33 au moment oĂč ils se mirent Ă  la nage pour s’éloigner des avant-postes français. »34 20Des annĂ©es plus tard, elle reprit ce rĂ©cit dans ses MĂ©moires Parmi les dĂ©portĂ©s, les uns prenaient parti pour les Canaques, les autres contre. Pour ma part, j’étais absolument pour eux. 
 Pendant l’insurrection canaque, par une nuit de tempĂȘte, j’entendis frapper Ă  la porte de mon compartiment de la case. - Qui est lĂ  ? demandai-je. - TaĂŻau amis, rĂ©pondit-on. Je reconnus la voix de nos Canaques apporteurs des vivres. C’étaient eux, en effet ; ils venaient me dire adieu avant de s’en aller Ă  la nage par la tempĂȘte rejoindre les leurs, pour battre mĂ©chants Blancs, disaient-ils. 35 La Commune. Histoire et souvenirs, Paris, Stock, 1898. Alors, cette Ă©charpe rouge de la Commune que j’avais conservĂ©e Ă  travers mille difficultĂ©s, je la partageai en deux et la leur donnai en souvenir. »35 36 Op. cit. 21La scĂšne est belle. Malheureusement, la correspondance de Louise, contemporaine de la rĂ©volte, ne la signale quasiment pas. L’historien JoĂ«l DauphinĂ© est dubitatif sur la vĂ©racitĂ© de cette scĂšne. La thĂšse qu’il soutient est la suivante sur place, Louise Michel a sans doute eu plutĂŽt de la sympathie pour la rĂ©volte. Puis, n’ayant comme informations que celles que lui donnaient les EuropĂ©ens – massacres Ă©pouvantables, mutilations, scĂšnes d’anthropophagie –, elle fut sans doute quelque peu effrayĂ©e, d’oĂč peut-ĂȘtre son silence gĂȘnĂ©. Ce n’est que plus tard, de retour en France, qu’elle a Ă©tĂ© mise dans la possibilitĂ© de comprendre la rĂ©volte. D’oĂč son rĂ©cit, oĂč elle s’attribue un rĂŽle qu’elle n’a peut-ĂȘtre pas complĂštement tenu36. 22L’annĂ©e qui suivit la rĂ©volte, le gouverneur accepta qu’elle vienne Ă  NoumĂ©a reprendre son mĂ©tier d’institutrice. Elle fut un temps en charge d’écoles d’enfants de bagnards, puis des jeunes filles de la ville. Fut-elle Ă©galement institutrice des Kanak ? Les rĂ©ponses divergent. 23Ils ne furent pas nombreux, les Communards qui, Ă  l’image de la grande Louise, firent l’effort de comprendre les Kanak. 24Un autre militant libertaire, Charles Malato, Ă©crivit lui aussi – mais il est vrai quinze annĂ©es plus tard – un ouvrage de MĂ©moires dans lequel il prit leur dĂ©fense 37 Ses parents, Ă©galement communards, avaient Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s avec lui. 38 De la Commune Ă  l’Anarchie, Paris, Stock, 1894, citĂ© sur le site de RenĂ© Merle. L’ennemi ! Faut-il donc l’appeler ainsi, ce peuple noir qui combat pour son indĂ©pendance ? Proscrits pour la cause de la libertĂ©, allons-nous passer du cĂŽtĂ© des oppresseurs ? Telles sont les questions que mes parents37 et moi nous nous posons avec amertume. HĂ©las ! la rĂ©ponse n’est que trop claire. Oui, ces hommes, en se soulevant contre l’autoritĂ©, ont pour eux le droit naturel. Ils veulent vivre Ă  leur guise, sur le sol oĂč ils sont nĂ©s rien de plus juste. »38 La rĂ©volte de 1878 des Communards chasseurs de Kanak 25Maigre bilan. Les Communards, qui chantaient sans doute Quand tous les pauvres s’y mettront
 » Jean-Baptiste ClĂ©ment, La Semaine sanglante, 1871, dans leur majoritĂ© ne comprirent pas la protestation de plus pauvres encore qu’eux. 26La premiĂšre cause de cette incomprĂ©hension rĂ©side dans le fait qu’à l’époque, rares, trĂšs rares avaient Ă©tĂ© les militants ouvriers qui s’étaient interrogĂ©s sur la question coloniale, peu importante avant 1871. Plus grave encore fut le regard portĂ© sur ces sauvages », ces cannibales ». Un dĂ©portĂ©, Cavarey, partit d’une constatation qui, Ă  ses yeux, Ă©tait d’évidence Tout le monde est d’avis que, pour rendre la sĂ©curitĂ© Ă  la colonisation, il est nĂ©cessaire que la plus grande partie de ce peuple disparaisse ». L’ex-Communard avançait donc sa solution », qui avait l’avantage de ne pas faire dĂ©penser une trop grande quantitĂ© de balles » 39 Cavarey, Album de l’Île des Pins, 27 juillet 1878, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. Ne pourrait-on pas expĂ©dier deux ou trois mille d’entre eux dans celles de nos colonies qui manquent de travailleurs ? La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et surtout la RĂ©union les recevraient volontiers et, au milieu d’une population composĂ©e d’élĂ©ments divers, ces quelques centaines de Canaques seraient Ă©videmment bien peu dangereux. »39 40 Lettre, 1er janvier 1879, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 27MĂȘme un futur responsable de premier plan du socialisme Ă©mergent, Jean Allemane, s’il ne participa pas personnellement Ă  la rĂ©pression, jugea sĂ©vĂšrement ces cannibales40 ». 28Pour un autre tĂ©moin, Victor Cosse, la simple comparaison entre Communards et Kanak rĂ©voltĂ©s Ă©tait insultante 41 Album de l’Île des Pins, vers 1880, citĂ© par Émilie Cappella, Louise Michel, exil en Nouvelle-CalĂ©d ... Colons trĂšs involontaires, nous faisons en somme partie d’une sociĂ©tĂ© europĂ©enne Ă©garĂ©e Ă  six mille cinq cents lieues de notre France et livrĂ©e Ă  toutes les brutalitĂ©s de peuples un peu trop primitifs. Depuis bientĂŽt six ans que nous sommes ici, il s’est Ă©tabli entre la population civile et nous des relations qui nous commandent la sympathie pour les colons qui essayent, si loin de chez nous, un agrandissement de la France et une richesse nouvelle pour le pays
 Vous connaissez tous le mot qui est restĂ© cĂ©lĂšbre “L’insurrection est le plus sain des devoirs”. Pardieu ! Nous l’avons mis en pratique et, un peu beaucoup, Ă  nos risques et pĂ©rils. Mais encore faut-il que cette insurrection reste loyale et courageuse. Qu’est-ce que ces assassins se glissant dans l’ombre pour Ă©gorger des familles inoffensives, pour incendier des rĂ©coltes et des habitations, pour anĂ©antir en quelques minutes l’Ɠuvre de plusieurs annĂ©es d’un labeur assidu ! Qu’est-ce que ces bandits se glissant dans un fond de brousse, Ă  l’abri de tout danger, pour assassiner au passage un officier qui vient accomplir son devoir ? »41 29Et la mĂ©fiance Ă©tait rĂ©ciproque. D’abord, comment les Kanak auraient-ils pu faire la distinction entre les Blancs, tous assimilĂ©s Ă  ceux qui causaient leur malheur ? Malato, dĂ©jĂ  citĂ©, avait bien compris que les deux catĂ©gories de parias ne pouvaient se comprendre 42 Op. cit. 30 Mais ils ne distinguent pas, – le pourraient-ils d’ailleurs ? – entre le fonctionnaire qui les opprime, le colon qui lentement les dĂ©possĂšde et le paria bouclĂ© de force dans leur Ăźle, de par la rancune politique ou la vindicte sociale. Forçats, dĂ©portĂ©s, femmes, enfants, vieillards, aussi bien que galonnĂ©s et messieurs ventrus, tout ce qui a visage blanc leur est odieux et mĂ©rite non seulement la mort, mais la torture la plus cruelle. Et, au milieu de leur Ɠuvre inexorable de destruction, jamais l’éclair de pitiĂ© ne jaillit. »42 43 Simon-Mayer, Souvenirs d’un dĂ©portĂ©, Étapes d’un forçat politique, Paris, E. Dentu,1880 Gallica. 31Les rares Kanak qui avaient Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s, en gĂ©nĂ©ral par les missionnaires, Ă©taient emplis de mĂ©fiance envers ces nouveaux venus d’Europe, ces sans-dieu ». Les autoritĂ©s jouaient sur ces rivalitĂ©s les Kanak obtenaient mĂȘme une prime lorsqu’ils ramenaient un Communard en fuite43. 44 Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 45 Roger PĂ©rennĂšs, op. cit. 32Circonstance aggravante, lorsque l’insurrection commença, Ă  Bouloupari, trois Communards, Pierre Broussat, Victor Hoiret et Francis Pascal furent parmi les premiĂšres victimes, le 26 juin 187844. De ce fait, des Communards se portĂšrent immĂ©diatement volontaires pour combattre les armes Ă  la main, ce qui fut acceptĂ© par les autoritĂ©s. Un dirigeant de la Commune, par ailleurs membre de l’Association internationale des travailleurs ou IĂšre Internationale, Charles Amouroux, prit la tĂȘte d’un groupe d’une trentaine de Communards, qui participa Ă  la rĂ©pression et Ă  la capture d’insurgĂ©s45. RĂ©cit d’un autre tĂ©moin, Henri Berthier 46 Henri RiviĂšre, capitaine de frĂ©gate, chargĂ© de diriger la rĂ©pression aprĂšs la mort du colonel Gally ... 47 Femmes kanak. 48 RĂ©cit de la rĂ©volte kanak, vers 1890, citĂ© par Gaston Da Costa, La Commune vĂ©cue 18 mars-28 mai 1 ... La situation Ă©tait extraordinairement pĂ©rilleuse pour tous les postes du nord de la colonie, car RiviĂšre46 ne disposait que d’un trĂšs petit nombre de matelots. 
 Inquiet, le commandant RiviĂšre autorisa son lieutenant, M. Servan, Ă  nous armer. 
 Un soir, la nouvelle se rĂ©pandit que les tribus rĂ©voltĂ©es descendaient des hauteurs sur Canala. 
 Nous fĂźmes notre jonction avec la colonne du commandant RiviĂšre, qui nous fĂ©licita cordialement et promit de nous sortir du milieu de forçats dans lequel on avait eu le tort, disait-il, de nous plonger. Les tribus rĂ©voltĂ©es furent bientĂŽt cernĂ©es et faites prisonniĂšres. Les principaux chefs furent traduits devant un conseil de guerre, condamnĂ©s Ă  mort et fusillĂ©s. Ensuite, nous fumes de nouveau envoyĂ©s dans la brousse 
 pour cerner les canaques dĂ©bandĂ©s et les ramener Ă  Canala. GrĂące Ă  l’habile tactique de notre chef, l’opĂ©ration rĂ©ussit Ă  merveille aprĂšs trois journĂ©es de manƓuvres, nous ramenions Ă  Canala, sans avoir tuĂ© personne, une foule de canaques, de popinĂ©es47 et d’enfants. Peu aprĂšs le lieutenant Servan dut nous faire dĂ©sarmer ; mais il dĂ©cida qu’on ne nous obligerait plus Ă  aucun travail, et qu’on attendrait l’ordre rĂ©clamĂ© par lui et par le commandant RiviĂšre de nous envoyer Ă  la presqu’üle Ducos. »48 33Peu de temps aprĂšs avoir fait le coup de feu avec les Kanak, Amouroux fut amnistiĂ©, puis rentra en mĂ©tropole trĂšs rapidement. Il frĂ©quenta les milieux politiques 49 La Presse, 25 avril 1880. On remarquait hier dans les couloirs du Palais-Bourbon M. Amouroux, ancien membre de la Commune, causant avec plusieurs dĂ©putĂ©s. 
 On sait que l’ancien ouvrier chapelier a obtenu sa grĂące Ă  la suite de la rĂ©pression de l’insurrection canaque. Sous la direction de M. Servan, Amouroux avait organisĂ© et conduit une troupe de francs-tireurs composĂ©e de forçats communards, troupe qui rendit Ă  cette occasion des services sĂ©rieux. »49 34Le plus extraordinaire dans ce rĂ©cit est que le rapprochement, mĂȘme partiel, avec l’insurrection de 1871 n’est jamais fait, qu’il paraĂźt mĂȘme Ă©chapper Ă  la rĂ©flexion des Communards. MĂȘme l’emploi de formules identiques Ă  celles entendues au pied des barricades parisiennes Les principaux chefs furent traduits devant un conseil de guerre, condamnĂ©s Ă  mort et fusillĂ©s » ne les choque pas. 50 DĂ©cret du prĂ©sident de la RĂ©publique en date du 31 dĂ©cembre 1878. La liste des 24 premiers amnistiĂ© ... 51 Il s’était Ă©vadĂ© du bagne, puis s’était fixĂ© Ă  Londres en juin 1874. 35Ce patriotisme » valut Ă  certains une premiĂšre amnistie50. Puis une loi gĂ©nĂ©rale fut votĂ©e le 11 juillet 1880. Henri Rochefort rentra le premier juillet51, suivi de ceux qui Ă©taient restĂ©s dans la Grande Île ». Louise Michel fut de retour en mĂ©tropole le 9 novembre. 36L’un d’eux, Jules Renard – rien Ă  voir, est-il utile de le prĂ©ciser, avec l’auteur de Poil de carotte – souligna lui-mĂȘme le satisfecit » dont il fut l’objet de la part des autoritĂ©s militaires 52 1879. 53 Le Retour d’un AmnistiĂ©. Notes et impressions d’un passager du Calvados », Paris, Impr. C. Murat, ... On nous a embarquĂ©s le mardi 1er juillet52 dans la matinĂ©e. Le lendemain 2, les chefs de plat ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  faire nommer Ă  l’élection des chefs de compartiment ou chefs de poste. Dans l’aprĂšs-midi, les chefs de poste furent reçus par le commandant. M. RiviĂšre leur dit qu’il avait eu plusieurs de nos camarades sous ses ordres pendant l’insurrection canaque et qu’il avait Ă©tĂ© satisfait de leur conduite. C’est donc volontiers qu’il nous rapatrie »53. 54 Histoire de l’AlgĂ©rie racontĂ©e aux petits enfants. Leçons, rĂ©sumĂ©s, exercices oraux ou Ă©crits, Alge ... 37Ce mĂȘme Jules Renard alla ensuite s’installer en AlgĂ©rie Oran, oĂč il devint enseignant et Ă©crivit des ouvrages solidement colonialistes destinĂ©s Ă  l’éducation des enfants des Ă©coles54
 55 Alban Bensa, op. cit. 56 Un proscrit de la Commune meurt en CalĂ©donie », l’HumanitĂ©, 27 dĂ©cembre 1923. 38Les derniers dĂ©portĂ©s communards en Kanaky quittĂšrent l’üle en 1880, seuls une vingtaine, devenus libres, ayant choisi de rester55. Le dernier d’entre eux, Jean Roch, dit Jean Chalier, mourut Ă  NoumĂ©a en dĂ©cembre 192356. Destins croisĂ©s Communards et Kabyles insurgĂ©s 57 Germaine MailhĂ©, DĂ©portations en Nouvelle-CalĂ©donie des Communards et des rĂ©voltĂ©s de la Grande Kab ... 39La coĂŻncidence des dates permet parfois de faire des rapprochements intĂ©ressants. L’insurrection de Kabylie commença le 16 mars 1871, celle de la Commune de Paris deux jours plus tard. Dans les deux cas, les vaincus furent jugĂ©s et impitoyablement condamnĂ©s par les vainqueurs. On sait que les uns et les autres furent condamnĂ©s Ă  la dĂ©portation en Kanaky57. On estime qu’il y eut de l’ordre d’une centaine de Kabyles. 58 Les proscrits de la Commune avaient obtenu l’autorisation de publier une presse, Ă©videmment contrĂŽl ... 40Ces proscrits furent donc amenĂ©s Ă  se croiser. Or, les quelques tĂ©moignages que l’on possĂšde ne font pas rĂ©fĂ©rence Ă  la solidaritĂ© des causes, Ă  la similitude des combats. Le 12 octobre 1878, un tĂ©moin, qui avait naguĂšre Ă©tĂ© soldat en AlgĂ©rie, Ă©crit58 59 La confusion entre Kabyles et Arabes Ă©tait alors gĂ©nĂ©rale. 60 Louis Barron, Nos voisins les Arabes », Le Parisien illustrĂ©, 12 octobre 1878, citĂ© sur le site d ... L’Arabe59, en Nouvelle-CalĂ©donie, se trouve dans son cadre naturel. Les arbres, les plantes de cette Ăźle intertropicale sont Ă  peu prĂšs les arbres et les plantes de son pays, tel point de vue, telle Ă©chappĂ©e de paysage, entre deux collines arides, semblent avoir Ă©tĂ© transportĂ©es jusqu’ici de certaines rĂ©gions pauvres de l’AlgĂ©rie. Peut-ĂȘtre nos compagnons, non mĂ©lancoliques mais contemplatifs, songent-ils le soir, quand le soleil couchant empourpre l’horizon de ses derniers feux, aux caprices Ă©tranges d’Allah, qui les a voulu placer dans cette image en raccourci de leur patrie. Peut-ĂȘtre, le front tournĂ© vers La Mecque, remercient-ils le ProphĂšte d’avoir ainsi allĂ©gĂ© leurs Ă©preuves. Au moins sont-ils assurĂ©s d’une compensation dans l’autre monde. S’ils passent sans ĂȘtre blessĂ©s sur le fil tranchant du glaive, El-ar, qui les sĂ©pare du paradis, ils jouissent pour l’éternitĂ© du bonheur de monter Ă  cheval, de boire du vin et de caresser les houris. Tandis que nous !... »60 41Outre des apprĂ©ciations Ă©tonnantes sur les vĂ©gĂ©tations d’AlgĂ©rie et de Kanaky, ce texte – parmi d’autres – surprend par l’absence de rĂ©fĂ©rence aux causes de la rĂ©volte des Kabyles. Il ne viendra Ă  personne l’idĂ©e de considĂ©rer que les Communards, en Kanaky, ont Ă©tĂ© traitĂ©s avec douceur. Pourtant, les Kabyles ont eu un sort infiniment pire. 61 Bertrand Jalla, Quelle amnistie dans les colonies ? L’exemple des condamnĂ©s algĂ©riens de 1871 », ... 42D’abord, la loi d’amnistie de juillet 1880, qui permit aux Communards de quitter l’üle, ne leur fut pas appliquĂ©e. Une circulaire ministĂ©rielle d’accompagnement 25 avril 1881 prĂ©cisa bien que seuls Ă©taient concernĂ©s les faits insurrectionnels survenus sur le territoire mĂ©tropolitain61 ». 62 La confĂ©rence de la salle Ragache », L’Intransigeant, 31 aoĂ»t 1880. 43À leur retour en France, pourtant, quelques-uns des anciens dĂ©portĂ©s communards firent connaĂźtre le sort de leurs compagnons d’infortune. DĂšs aoĂ»t, un mois aprĂšs leur retour, Henri Rochefort et son compagnon d’évasion Olivier Pain organisĂšrent, salle Ragache, rue Lecourbe Ă  Paris, un meeting exigeant que les insurgĂ©s algĂ©riens soient inclus dans la loi62. Toutefois, si la protestation partait d’un sentiment noble, l’argumentaire Ă©tait troublant Pain insista sur la responsabilitĂ© des militaires dans la genĂšse de l’insurrection les fameux Bureaux arabes, le dĂ©vouement des soldats algĂ©riens durant la guerre franco-prussienne, pour conclure par la dĂ©nonciation du dĂ©cret CrĂ©mieux naturalisation en bloc des juifs d’AlgĂ©rie, octobre 1870. On sait que l’antisĂ©mitisme gangrĂ©na durablement la gauche française Ă  l’époque. Rochefort, notamment, fut fĂ©rocement antidreyfusard. 63 L’amnistie et les Arabes », L’Intransigeant, 10 fĂ©vrier 1895. 64 Philippe Dubois, Les insurgĂ©s arabes de 1871 », L’Intransigeant, 12 mars 1895. 44En fĂ©vrier 1895, le dĂ©putĂ© de la Guadeloupe, Auguste Isaac, interpela de nouveau le gouvernement Ă  ce propos63. Quelques jours plus tard, L’Intransigeant publia un rĂ©capitulatif assez fidĂšle mais une fois de plus entachĂ© de considĂ©rations antisĂ©mites haineuses, rappelant la genĂšse de l’affaire, la duretĂ© de la rĂ©pression, et revint sur l’exigence de l’amnistie64. 65 Louise et Annie Gayat, Kabyles du Pacifique, communards et Nouvelle-CalĂ©donie », site des Amis de ... 45Un dĂ©portĂ© kabyle eut un destin exceptionnel Aziz El Haddad, fils d’un des cheikhs qui avaient dĂ©clenchĂ© la rĂ©volte de 1871, rĂ©ussit Ă  s’évader en 1881, passa par l’Australie, vint ensuite en France aprĂšs un long pĂ©riple pour rĂ©clamer la restitution de ses biens fĂ©vrier 1895. LĂ , il retrouva un Communard qui Ă©tait devenu son ami, Charles-EugĂšne Mourot. Il mourut au domicile de Mourot, au 45 du boulevard MĂ©nilmontant, face au PĂšre-Lachaise. Les anciens Communards se cotisĂšrent pour rapatrier son corps en Kabylie65. Haut de page Notes 1 Henri Alleg, Le torrent souterrain », dans Henri Alleg dir., La Guerre d’AlgĂ©rie, vol. I, Paris, Temps actuels, 1981. 2 Marcel Cerf, Maxime Lisbonne, le D’Artagnan de la Commune, Paris, Le Pavillon, 1967. Voir Ă©galement le roman de Didier Daeninckx, Le Banquet des affamĂ©s, Paris, Gallimard, 2012. 3 Jacques Vingtras. L’InsurgĂ©. 1871, Paris, G. Charpentier & Cie, 1886. 4 Maxime Vuillaume, La proclamation de la Commune » brochure non signĂ©e, dans Hommes et Choses du temps de la Commune, Paris 1871, vol. IV, Brochures, GenĂšve-Bruxelles-Londres, 1871 Gallica. 5 Auguste Raffet, Paris sous la Commune, 1885, Reprint Paris, Éditions Dittmar, 2002. 6 Le troisiĂšme bataillon est celui des Turcos, dont le commandant Wolff sera tuĂ© au combat, sans qu’on sache oĂč ni comment. Nous n’avons quasiment rien retrouvĂ© sur cette unitĂ© qui semble avoir donnĂ© des sueurs froides aux militaires
 » AndrĂ© Thomas, Les enfants perdus de la Commune », Cultures et Conflits, n° 18, 1995. 7 Le Soir, 13 fĂ©vrier 1872 ; repris dans Contes du lundi, Paris, Lemerre, 1873. 8 Jean-Pierre PĂ©cau, BenoĂźt Dellac et Thorn, L’Homme de l’annĂ©e, 1871. L’un des hĂ©ros de la Commune de Paris, album de bande dessinĂ©e, Paris, Delcourt, 2014. D’autres versions situent sa mort lors des combats de 1870 contre les Prussiens. Voir Le Petit Parisien, 26 mars 1897 Ă  l’occasion du dĂ©cĂšs de D’Abbadie. 9 Claude Martin, La Commune d’Alger 1870-1871, Paris, HeraklĂšs, 1936 ; Marcel Émerit, La question algĂ©rienne en 1871 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome XIX, avril-juin 1972. 10 CitĂ© par Charles-Robert Ageron, Les AlgĂ©riens musulmans et la France 1871-1919, vol. I, Paris, Publications de la facultĂ© des lettres et sciences humaines de Paris-Sorbonne/PUF, 1968. 11 Journal des dĂ©bats, 7 septembre 1870. 12 Certaines biographies le prĂ©sentent comme le comte de Calvinhac. 13 Dans Journal des journaux de la Commune. Tableau rĂ©sumĂ© de la presse quotidienne, du 19 mars au 24 mai 1871. Lois, dĂ©crets, proclamations, rapports & informations militaires, sĂ©ances de la Commune, etc., reproduits d’aprĂšs le Journal officiel de Paris. Extraits des autres journaux, organes ou dĂ©fenseurs de la Commune, le tout contrĂŽlĂ© par les dĂ©pĂȘches, circulaires et avis du Gouvernement et par des extraits du Journal officiel publiĂ© Ă  Versailles, vol. I, Paris, Garnier FrĂšres, Librairies-Éditeurs, 1872 Gallica. 14 Journal des dĂ©bats, 1er avril 1871. 15 Jean-Luc LabbĂ©, notice Lambert Alexandre », Dictionnaire biographique Maitron, Mouvement ouvrier, Mouvement social, . 16 Nous n’avons pas retrouvĂ© trace de son passĂ© algĂ©rien avant 1871. 17 Alphonse Bertrand, La Chambre de 1893. Biographies des 681 dĂ©putĂ©s, avec avertissement et documents divers, Paris, Ancienne Maison Quantin, Librairies-Imprimeries rĂ©unies, 1893 Gallica. 18 Affaire de l’Oued-Okris subdivision d’Aumale », dans RĂ©impression du Journal officiel de la RĂ©publique française sous la Commune, du 19 mars au 24 mai 1871, Paris, Victor Bunel Éd., 1871 Gallica. 19 AlgĂ©rie », Journal officiel de la Commune, op. cit., 8 mai 1871 Gallica. 20 Un rectificatif ultĂ©rieur prĂ©cisera qu’il s’agissait du journal La Paix et non La Patrie, Journal officiel de la Commune, op. cit., 12 mai 1871. 21 Les bureaux arabes, fondĂ©s sous le Second Empire, Ă©taient entre les mains des officiers. Il se passa Ă  cette Ă©poque un phĂ©nomĂšne Ă©tonnant les militaires se voulurent – et furent souvent – les protecteurs des indigĂšnes » face aux exactions des colons et des petits Blancs ». 22 Journal officiel de la Commune, op. cit., 3 mai 1871. 23 Par respect pour les demandes du mouvement national de cette Ăźle, nous avons adoptĂ© les appellations Kanaky pour Nouvelle-CalĂ©donie et Kanak Ă  la place de Canaque, ce dernier nom Ă©tant invariable. 24 EugĂšne Morand, Le Figaro, 6 fĂ©vrier 1872. 25 Roger PĂ©rennĂšs, DĂ©portĂ©s et forçats de la Commune, de Belleville Ă  NoumĂ©a, Nantes, Ouest Éditions/UniversitĂ© inter-Ăąges, 1991. 26 Alban Bensa, Nouvelle-CalĂ©donie. Un paradis dans la tourmente, Paris, Gallimard, coll. DĂ©couvertes », 1990. 27 Jean Baronnet et Jean Chalou, Communards en Nouvelle-CalĂ©donie. Histoire de la dĂ©portation, Paris, Mercure de France, 1987. 28 Alice Bullard, Exile to Paradise Savagery and Civilization in Paris and the South Pacific, 1790-1900, Stanford, California, Stanford University Press, 2000. 29 Louise Michel, MĂ©moires Ă©crits par elle-mĂȘme, Paris, F. Roy, 1886 ; Je vous Ă©cris de ma nuit. Correspondance gĂ©nĂ©rale, 1850-1904, Paris, Éd. de Paris/Max Chaleil, 1999 ; Émilie Cappella, Louise Michel, exil en Nouvelle-CalĂ©donie, Paris, Magellan & Cie, Coll. Textes et fragments », 2005 ; JoĂ«l DauphinĂ©, La DĂ©portation de Louise Michel. VĂ©ritĂ© et lĂ©gendes, Paris, Les Indes savantes, 2006. 30 Lettre au citoyen Paysan et Ă  nos amis, non datĂ©e JoĂ«l DauphinĂ©, op. cit.. 31 LĂ©gendes et chants de gestes canaques, Paris, KĂ©va & Cie, 1885 Gallica. 32 Dans Je vous Ă©cris de ma nuit, op. cit. 33 Elle n’adoptera le drapeau noir qu’à son retour en France dĂ©claration lors d’un meeting, 18 mars 1882 Plus de drapeau rouge, mouillĂ© du sang de nos soldats. J’arborerai le drapeau noir, portant le deuil de nos morts et de nos illusions » Site Internet Le Drapeau noir. 34 Louise Michel mouchard » titre Ă©tonnant, car l’article lave la militante de ce soupçon, Le Gaulois, 28 septembre 1882. 35 La Commune. Histoire et souvenirs, Paris, Stock, 1898. 36 Op. cit. 37 Ses parents, Ă©galement communards, avaient Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s avec lui. 38 De la Commune Ă  l’Anarchie, Paris, Stock, 1894, citĂ© sur le site de RenĂ© Merle. 39 Cavarey, Album de l’Île des Pins, 27 juillet 1878, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 40 Lettre, 1er janvier 1879, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 41 Album de l’Île des Pins, vers 1880, citĂ© par Émilie Cappella, Louise Michel, exil en Nouvelle-CalĂ©donie, Paris, Magellan & Cie, Coll. Textes et fragments », 2005. 42 Op. cit. 43 Simon-Mayer, Souvenirs d’un dĂ©portĂ©, Étapes d’un forçat politique, Paris, E. Dentu,1880 Gallica. 44 Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 45 Roger PĂ©rennĂšs, op. cit. 46 Henri RiviĂšre, capitaine de frĂ©gate, chargĂ© de diriger la rĂ©pression aprĂšs la mort du colonel Gally-Passebosc. C’est ce mĂȘme RiviĂšre qui devait mourir Ă  HanoĂŻ en 1883. 47 Femmes kanak. 48 RĂ©cit de la rĂ©volte kanak, vers 1890, citĂ© par Gaston Da Costa, La Commune vĂ©cue 18 mars-28 mai 1871, vol. III, Paris, Librairies-imprimeries rĂ©unies, 1905 Gallica. 49 La Presse, 25 avril 1880. 50 DĂ©cret du prĂ©sident de la RĂ©publique en date du 31 dĂ©cembre 1878. La liste des 24 premiers amnistiĂ©s parut au JO du 1er janvier 1879. 51 Il s’était Ă©vadĂ© du bagne, puis s’était fixĂ© Ă  Londres en juin 1874. 52 1879. 53 Le Retour d’un AmnistiĂ©. Notes et impressions d’un passager du Calvados », Paris, Impr. C. Murat, 1879 Gallica. 54 Histoire de l’AlgĂ©rie racontĂ©e aux petits enfants. Leçons, rĂ©sumĂ©s, exercices oraux ou Ă©crits, Alger, Libr. classique Adolphe Jourdan, 1884 Gallica ; Les Étapes d’un petit AlgĂ©rien dans la province d’Oran, ouvrage de lecture publiĂ© sous le patronage du Conseil gĂ©nĂ©ral et de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie d’Oran, Paris, Libr. Hachette, 1888. 55 Alban Bensa, op. cit. 56 Un proscrit de la Commune meurt en CalĂ©donie », l’HumanitĂ©, 27 dĂ©cembre 1923. 57 Germaine MailhĂ©, DĂ©portations en Nouvelle-CalĂ©donie des Communards et des rĂ©voltĂ©s de la Grande Kabylie 1872 Ă  1876, Paris, L’Harmattan, 1994. 58 Les proscrits de la Commune avaient obtenu l’autorisation de publier une presse, Ă©videmment contrĂŽlĂ©e. Voir le site de Georges Coquilhat, Ma Nouvelle CalĂ©donie, . 59 La confusion entre Kabyles et Arabes Ă©tait alors gĂ©nĂ©rale. 60 Louis Barron, Nos voisins les Arabes », Le Parisien illustrĂ©, 12 octobre 1878, citĂ© sur le site de Georges Coquilhat. 61 Bertrand Jalla, Quelle amnistie dans les colonies ? L’exemple des condamnĂ©s algĂ©riens de 1871 », Ultramarines, AMAROM, Aix-en-Provence, n° 23, 2004. 62 La confĂ©rence de la salle Ragache », L’Intransigeant, 31 aoĂ»t 1880. 63 L’amnistie et les Arabes », L’Intransigeant, 10 fĂ©vrier 1895. 64 Philippe Dubois, Les insurgĂ©s arabes de 1871 », L’Intransigeant, 12 mars 1895. 65 Louise et Annie Gayat, Kabyles du Pacifique, communards et Nouvelle-CalĂ©donie », site des Amis de la Commune de Paris, 18 mai 2012,.Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Alain Ruscio, Communes, communards, question coloniale », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 153 2022, 131-144. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Alain Ruscio, Communes, communards, question coloniale », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 153 2022, mis en ligne le 01 aoĂ»t 2022, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Texte: L’Europe, plus que jamais malmenĂ©e, soumise aux critiques, rongĂ©e par les nationalismes, semble ne plus faire rĂȘver. L’écrivain Laurent GaudĂ© Ă©met l’hypothĂšse que le dĂ©sir s’est Ă©teint parce que le rĂ©cit europĂ©en n’a pas Ă©tĂ© encore Ă©crit L'Europe, l'ancienne, celle d'un Vieux Monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de... Lire la suite 6,99 € E-book - ePub Ebook TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 6,99 € Grand format ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 18,80 € Vous pouvez lire cet ebook sur les supports de lecture suivants TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat DĂšs validation de votre commande Offrir maintenant Ou planifier dans votre panier L'Europe, l'ancienne, celle d'un Vieux Monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'omĂ©ga de cette Ă©popĂ©e sociopolitique et humaniste en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d'affrontements, d'espoirs, de dĂ©faites et d'enthousiasmes. Un long poĂšme en forme d'appel Ă  la rĂ©alisation d'une Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©. Date de parution 01/05/2019 Editeur Collection ISBN 978-2-330-12153-2 EAN 9782330121532 Format ePub Nb. de pages 188 pages CaractĂ©ristiques du format ePub Pages 188 Taille 3 267 Ko Protection num. Digital Watermarking Biographie de Laurent GaudĂ© Laurent GaudĂ© est un romancier et un auteur de théùtre qui fait partie intĂ©grante du panorama littĂ©raire français du XXIe siĂšcle. En 2004, il obtient le prix Goncourt pour son roman Le Soleil des Scorta. Son ouvre, traduite dans le monde entier, est publiĂ©e par Actes Sud. fQ382.
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